« On est certains que cela tombera ailleurs » : le risque d’effondrement des falaises en bord de Seine se précise dans l’Eure

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Le long de la Seine, les millions de touristes viennent chaque année découvrir les majestueuses falaises. Seulement, comme pour celles face à la Manche, des morceaux en tombent régulièrement. C’est notamment le cas aux Andelys (Eure). En mars dernier, après une première alerte en 2020, 40 m3 de craie, soit près de 100 tonnes, sont tombés dans le jardin d’un particulier, au ras de sa maison. Le propriétaire a dû être relogé d’urgence. Depuis, les propriétaires et la collectivité vont de surprise en surprise.

Après une étude dont les résultats ont été rendus publics récemment, il s’avère que cette falaise menace de tomber « demain, dans un mois, une année ou plus tard. Seulement, nous ne pouvons pas rester les bras croisés », affirme Léopold Dussart, premier adjoint au maire. L’élu rappelle que le responsable de cette déstabilisation de la paroie de craie « est le réchauffement climatique. Avec la pluie, le gel et le dégel, la falaise gonfle, se rétracte, se fissure et des morceaux tombent. Et cela s’amplifie de saison en saison ».

L’effondrement de mars dernier est le second d’ampleur sur la commune : « Nous avions eu le cas sur une falaise communale qui nous a coûté 250 000 euros. Comme nous n’avons pas l’ingénierie en interne, en mars dernier, nous avons demandé l’accompagnement des services de l’État via le BRGM (bureau de recherches géologiques et minières, NDLR). Le résultat de l’expertise est sans appel : dès demain, 100m3 (soit près de 250 tonnes, NDLR) tomberont. On ne sait pas quand, mais c’est inquiétant ».

Des murs de béton pour limiter les dégâts

Comme la loi impose au maire de prendre toutes les mesures nécessaires pour protéger les biens et les personnes, « nous avons fait mettre en place, à la charge du département de l’Eure, un mur en béton d’environ 30 m de long, 3 m de haut et pesant 80 tonnes, pour protéger la RD313 », précise le premier adjoint.

Trois maisons en contrebas sont menacées par un potentiel effondrement. L’une d’entre elles fait l’objet d’un arrêté d’interdiction d’habitation et son propriétaire a donc été relogé dans un logement communal aux frais de la ville. « Ce fut pour lui une douche froide, car il n’est pas près de revenir. Cela va durer des années », regrette l’élu. « Les deux autres ont reçu un arrêté d’interdiction d’accès à leur jardin, où un mur de protection sera installé pour protéger les maisons. Si cela tombe, cela ralentira les blocs et les effets. C’est primordial ».

La suite est plus inquiétante pour la municipalité, et pourrait avoir de lourdes conséquences sur ses finances, car dans cette affaire, les élus ont découvert que les falaises appartiennent à deux des propriétaires en question, « à leur grande surprise », note Léopold Dussart. « Quand ils ont acheté leurs maisons, ils ne le savaient pas. Du moins, ils n’ont pas fait attention sur les actes de vente. »

Dans un premier temps, la municipalité leur a donc demandé de réaliser plusieurs opérations pour sécuriser la zone. « En plus des interdictions, nous avons prescrit une étude géotechnique sur leur falaise, qui permettra de définir ce qu’il faut faire pour éviter qu’elle tombe. Et on leur a imposé la pose des murs. Selon nos estimations, la somme à leur charge monte entre 50 000 à 60 000 euros », continue l’élu, qui a bien conscience que la somme « est difficilement supportable pour eux ».

D’autant plus que, « malgré la reconnaissance en catastrophe naturelle en octobre 2025, leurs assurances ne suivent pas, car il n’y a pas de dégâts sur les biens », ajoute-t-il. Dans le cas où les propriétaires ne peuvent pas payer les études et travaux, le coût finit par revenir à la commune : « L’arrêté d’interdire d’habiter doit avoir une durée. Dans ce cas, nous avons laissé un an pour les études. »

« Des maisons inhabitables et invendables »

D’ici là, d’autres travaux devront trouver un financement. En effet, ceux qui sont à la charge des propriétaires ne comprennent pas « les travaux de purges et de pose de filets métalliques comme en montagne qui peuvent coûter des centaines de milliers d’euros », complète Léopold Dussart.

Le premier adjoint lance donc une alerte, face au risque de multiplication de ces éboulements : « Imaginez le coût pour la ville, face à des propriétaires qui ne pourront pas assumer financièrement, faute de prises en charge des assureurs et de l’État ! »

En théorie, le fonds Barnier doit servir à financer les travaux dont la valeur dépasse celle des biens. Sinon, une autre procédure, l’expropriation par l’État, peut être mise en place. Mais, comme le précise le premier adjoint, « dans ce cas, cela ne devrait pas fonctionner, car il y a la RD313 qu’il faut protéger et les murs de protection ne suffiront pas. Il faut donc effectuer les travaux. À coup sûr à la charge de la commune ».

Dans l’immédiat, l’équipe municipale « gère le ponctuel sans rester les bras croisés. Tous les quinze jours, un technicien de la ville vient prendre des photos de cet éboulement pour vérifier l’avant et l’après. On voit qu’il y a déjà eu des chutes récentes », souligne Léopold Dussart.

Un plan global va par ailleurs être lancé dans les prochains mois, en coordination avec les services de l’État « afin de réaliser un diagnostic complet sur tout le territoire des falaises. Savoir à quoi s’en tenir et comment budgétiser cela dans le temps ».

« En 2026, nous avons prévu d’avertir tous les propriétaires qui ont un morceau de falaise à leur charge », annonce l’élu. « Nous savons qui ils sont. C’est primordial. J’insiste à dire, face à l’immensité de la zone, on est certains que cela tombera ailleurs. On va se retrouver dans des situations complètement bloquées avec des maisons inhabitables et invendables. »

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