ENTRETIEN - À l’issue de l’Assemblée Générale Financière qui s’est tenue ce samedi, le président de la Fédération française de rugby met en avant, auprès du Figaro, le redressement de la situation de son institution.
Vous disiez en début d’année que la FFR risquait le dépôt de bilan . Où en sont les finances de votre Fédération à l’issue de l’Assemblée Générale Financière qui s’est tenue ce samedi ?
Florian Grill : Lors du dernier Congrès de la FFR à Clermont (en juillet), nous avions dit que l’on redresserait la Fédération en trois ans. Mais j’ai confirmé - maintenant qu’on a fait l’arrêté des comptes et qu’il a été voté avec largement plus de 90% des voix - que l’on va arriver à redresser la FFR en deux ans. On a énormément travaillé, notamment la négociation sur le Stade de France, la répartition des revenus au sein des Six Nations, l’augmentation des produits, de la billetterie, la maîtrise des charges… Tout en investissant dans le rugby amateur - avec 3 millions de plus pour les ligues et les départements - et dans les outils digitaux au service de nos clubs. On est content de cette trajectoire, même s’il reste du boulot.
Vous évoquiez, début 2025, un déficit de l’ordre de 75 millions d’euros. Où en est la situation ?
Le résultat net de l’année, c’est moins 6,9 millions d’euros. On est sur le chemin du redressement. On avait un déficit structurel quand on est arrivé qui était de l’ordre de 20 millions d’euros, auxquels s’ajoute la perte de 54 millions de la Coupe du monde 2023, sur l’année qui s’est clôturée en juin dernier. Sur la saison 2024-2025, on a un déficit de résultat net de 6,9 millions d’euros. Et on espère continuer à remonter la pente petit à petit, en deux ans et pas en trois.
Comme dans une équipe de rugby, on se serre les coudes dans la difficulté. Personne n’est content de voir son budget réduit, personne n’est content de voir les salaires pratiquement gelés Passer la publicité
Des problèmes surgissent régulièrement avec le stade Raoult-Montbrand à Pantin ou le supplément à payer pour le projet de Grand Stade avorté en Essonne…
Malheureusement, c’est l’héritage de la précédente gouvernance, il faut bien le reconnaître. On a effectivement le stade Raoult-Montbrand à Pantin, qui va générer un déficit d’exploitation structurelle tous les ans de 2 millions/2,5 millions, qui s’ajoute au déficit qu’on doit combler. On a effectivement l’appel pour le Grand Stade où la facture monte à 500.000 euros. C’est une somme que l’on avait provisionnée, mais c’est toujours une mauvaise nouvelle. Il faut qu’on continue à travailler. Je l’ai dit : la recette, c’est le travail, la résilience et la transparence. Je suis très fier de cette Assemblée Générale Financière qui s’est faite entièrement à distance, ce qui n’était pas le cas dans le rugby historiquement. On a une organisation totalement transparente.
Comment ont été accueillies vos mesures quand il a fallu serrer la ceinture ?
Je pense que ça a été accueilli correctement parce que les gens ont compris la réalité de la difficulté dans laquelle on était. Et, comme dans une équipe de rugby, on se serre les coudes dans la difficulté. Personne n’est content de voir son budget réduit, personne n’est content de voir les salaires pratiquement gelés. On a fait une enveloppe d’augmentation de même pas 1% et très ciblée. Mais en même temps, c’était notre responsabilité. Je sais pourquoi je me bats et pourquoi je me lève tous les matins. Le rugby, je le répète souvent, c’est un enjeu éducatif et sociétal au-delà de l’enjeu sportif. Et on ne peut pas se permettre d’avoir une institution comme la Fédération française de rugby qui part au tapis et qui dépose le bilan. Donc on se bat sur tous les sujets. En plus du redressement de l’exploitation de la Fédé, on a les discussions avec l’État sur la perte de la Coupe du monde. Il faut que l’on puisse discuter avec l’État qui était partie prenante de l’organisation de cette Coupe du monde et qui doit l’entendre.
Avez-vous trouvé d’autres leviers de croissance pour la FFR ?
Là, on ne bénéficie pas encore en année pleine de la nouvelle répartition des revenus du Six Nations. La France, qui contribuait à hauteur de 26 %, ne touchait que 16 % des revenus. On va monter à 17,85, puis à 19 %. C’est une augmentation de 18 % de notre quote-part, donc c’est considérable. Et ça pèse en millions d’euros. Là, on ne l’a pas encore dans les comptes en année pleine à 19 %, mais ça va être un améliorateur. On n’a pas encore dans les comptes en année pleine, non plus, la dizaine de nouveaux partenaires que l’on a signés. Forcément, quand ils vont être en année pleine, ça va améliorer les comptes. Par ailleurs, on n’a pas encore dans les comptes les trois matchs supplémentaires pour les féminines que l’on fera en septembre et en octobre dans des stades pleins. Ce sera donc des recettes de billetterie supplémentaires. On a créé cette application pour les compétitions qui s’appelle «Mon Club House» et qui fait plus de 7 millions de vues par week-end. Là non plus, ce n’est pas encore dans les comptes. Donc il y a pas mal d’endroits où on est en train de diversifier et d’augmenter nos revenus. On ne peut pas être juste dans une politique de serrement de la vis. On essaye de maîtriser les charges, mais d’avoir une stratégie d’augmentation des revenus et des investissements là où c’est nécessaire. Alors que la FFR était en grande difficulté, on n’a pas lâché sur le fait de mettre 3 millions de plus sur le rugby local et de ne pas augmenter le prix de la licence pour les clubs. Si on avait augmenté de 10 euros chaque licence, on rentrait 4 millions d’euros de résultats, mais on ne l’a pas fait. On a gelé le prix des licences depuis qu’on est arrivé, c’est notre manière de soutenir les clubs amateurs qui en ont besoin.
On me disait que le Stade de France, c’est un stade qui manque un peu de chaleur. Aujourd’hui, plus personne ne me dit ça
Alors que la Fédération française de football avait pris ses distances avec le Stade de France , la FFR a, elle, fait le choix de rester à Saint-Denis et de développer tout l’environnement autour des matches…
On travaille pour ça tous les jours. On a notamment, avec les équipes de la Fédération, fait un travail phénoménal sur la scénographie lumineuse. Quand je suis arrivé à la tête de cette Fédération, on me disait que le Stade de France, c’est un stade qui manque un peu de chaleur. Aujourd’hui, plus personne ne me dit ça. Cette expérience au Stade de France passe par cette scénographie lumineuse - que l’on avait commencée à Lyon dans les matchs délocalisés avant les Jeux olympiques -, avec notamment la Marseillaise a cappella. C’est devenu un moment incroyablement émouvant pour les spectateurs, au même titre que le «Flowers of Scotland» (à Murryfield en Écosse). Tout ce travail donne des résultats et se traduit par des stades pleins. Et c’est vrai aussi pour les moins de 20 ans et les féminines qui jouent dans des stades pleins en province. Ces moments donnent le sourire aux gens, dans un moment où l’on traverse une phase de grande morosité. Il n’y a pas plus beau comme vocation.
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Sportivement, quel regard portez-vous sur le tirage de la prochaine Coupe du monde , jugé abordable pour le XV de France ?
Je me méfie des prévisions ! (sourire) C’est une Coupe du monde élargie à 24 nations, il y a donc des équipes un peu moins fortes ou un peu moins expérimentées qui arrivent. Les premiers matchs seront sûrement un peu moins intenses que ce qu’on a pu connaître par le passé. Après, ça reste une Coupe du monde ! Tout le monde sera au rendez-vous. Les Australiens, chez eux, seront au rendez-vous. Notre poule, on va le dire, est jouable. Mais la détermination des gens dans une Coupe du monde est totale. On sait que si ça se passe bien, on aura de très grosses équipes sur notre chemin. Aujourd’hui, c’est l’excitation qui prédomine. Avec l’annonce des poules, on a l’impression d’y être alors que c’est dans deux ans. C’est ce qui est formidable. Cela va permettre aux gens de s’organiser, de se préparer pour aller en Australie soutenir les Bleus. Beaucoup de Français ont envie de faire le voyage, ceux qui pourront se le permettre, ou ceux qui sont déjà en train de faire des cagnottes pour économiser tous les mois pour y aller. De notre côté, il va y avoir tout le travail qu’on fait en ce moment avec la Ligue nationale de rugby pour mettre nos Bleus dans les meilleures conditions, pour qu’ils soient compétitifs, à la fois dans le Tournoi des six nations, dans la future Coupe des Nations et puis bien sûr à la Coupe du monde. On est champions olympiques (à 7), on a gagné le Tournoi, mais on a envie d’être champions du monde, chez les hommes en 1927 et avec les féminines en 1929.

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