« Une partie de l’histoire du Havre » : promis à la destruction, l’ancien cinéma emblématique Normandy a repris vie

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Lundi en fin d’après-midi, à quelques heures de l’inauguration de « son » Normandy, Jessy Spahija a les traits tirés, mais les yeux pétillants.

Durant tout le week-end, le propriétaire des lieux a accueilli son tout premier spectacle dans la nouvelle salle entièrement rénovée de cet ancien cinéma des années 1930, à la façade Art déco, devenu théâtre avant de fermer voilà plus de trois décennies.

« Je n’ai pas dormi pendant 56 heures »

Une comédie musicale a été tout spécialement créée pour l’endroit et raconte sa longue histoire. Trois représentations ont été données à guichets fermés.

« Vendredi soir, curieusement, je ne ressentais pas grand-chose. J’étais encore en alerte en me demandant si nous n’avions pas raté un truc… C’est seulement dimanche que j’ai commencé à apprécier ».

Il faut dire qu’à quelques minutes du passage de la commission de sécurité vendredi, il accrochait encore les derniers spots. Et le mobilier a lui été installé au dernier moment, par ses équipes, la troupe du spectacle et même les journalistes présents !

La façade art déco du Normandy. LP/Laurent Derouet

La façade art déco du Normandy. LP/Laurent Derouet

« Pour être prêt à temps, je n’ai pas dormi pendant 56 heures ! », assure l’entrepreneur en BTP devenu par la force des choses professionnel du spectacle. Lui n’oublie pas qu’il a pu également compter sur la mobilisation des salariés de sa société de construction.

« Certains venaient dès 2 heures du matin, d’autres à 4 heures… Ils ont tout donné. Les gars se sont pris au jeu ». Grand gaillard en tenu de chantier, Amaury confirme : « Les derniers jours, il y avait pas mal d’adrénaline. C’était une sorte de défi que nous avons été contents de relever »

Au total, cinq années de travaux et plus de 3 millions d’euros sur ses fonds propres - sans compter les dons de matériel d’entreprises du coin ou un financement participatif – ont été nécessaires à Jessy Spahija pour redonner vie au Normandy, acheté en 1999 sur un coup de cœur par son père Korap, décédé depuis, mais qui n’est jamais très loin.

Barbara, Serge Lama, Duke Ellington…

Ce lieu mythique de l’histoire havraise a vu passer les vedettes de l’avant-guerre et les stars de l’après comme nous l’avait confié un enfant du pays, Laurent Ruquier, lorsqu’il avait donné un coup de projecteur au projet. « On voyait les affiches des spectacles de Barbara, de Serge Lama, rappelait l’animateur. Je n’avais pas forcément les moyens d’y aller, mais ça faisait partie de mon quotidien ».

Venu en curieux, Jean Beaudin, architecte à la retraite de 90 ans, a lui vu jouer en 1950 l’orchestre de Duke Ellington arrivé en paquebot pour une tournée européenne. « J’ai même réalisé des plans pour un projet de reprise qui ne s’est pas fait. Mais le Normandy, j’y suis toujours resté attaché. Ça fait plaisir de le voir revivre ».

« Des rencontres comme celle-là, j’en ai fait des dizaines, peut-être même des centaines, depuis le début de l’aventure », assure avec émotion celui qui a reçu l’année dernière la médaille de la ville des mains d’Edouard Philippe.

Fier d’avoir mené à bien ce projet un peu fou, presque impossible quand le local n’était qu’une carcasse vide promise à la destruction, Jessy Spahija s’interroge à voix haute : « Est-ce que je me serais lancé si j’avais su que ça allait être aussi dur ? Oui, sans doute ! Le plus difficile, c’était d’être éloignée de ma famille restée en région parisienne. Pour le reste, j’arrivais à me projeter. Ce lieu, c’est un support à souvenirs et une partie de l’histoire havraise dont nous faisons aujourd’hui partie. C’est sûrement ça qui me fait le plus plaisir »

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