
Une enquête inédite menée sur près de 28 millions de Français met fin aux doutes sur les risques à long terme des vaccins à ARN messager.
Depuis leur lancement en 2020, les vaccins à ARN messager ont été propulsés au rang d’outil clé contre la pandémie… tout en cristallisant les doutes. Malgré leur efficacité démontrée, une partie des Français reste méfiante. En 2023, une enquête Inserm-Ined révélait que quatre personnes sur dix jugeaient le vaccin inutile pour les individus en bonne santé. Et en 2025, seuls 46 % estimaient ces vaccins « très utiles » en cas de nouvelle épidémie. Dans ce contexte de scepticisme, une étude française, publiée ce jeudi sur le site Jama Network Open, apporte des données inédites et surtout rassurantes. Réalisée par EPI-PHARE, le groupement scientifique associant l’Assurance maladie et l’Agence nationale de sécurité du médicament (ANSM), elle a suivi près de 28 millions de personnes âgées de 18 à 59 ans. «Compte tenu du mode d’action nouveau de ces vaccins, il était essentiel de s’assurer qu’ils ne présentent pas de risque à long terme. D’autant que certains ont affirmé qu’ils provoquaient des décès ou des maladies graves.», souligne le Pr Mahmoud Zureik, directeur d’EPI-PHARE.
Pour cela, les chercheurs ont exploité les données du Système national des données de santé (SNDS), qui couvre l’ensemble de la population française. Entre mai et octobre 2021, ils ont comparé 22,7 millions de personnes ayant reçu au moins une dose de vaccin à ARNm à 5,9 millions de non-vaccinés. Le suivi a duré en médiane 45 mois, jusqu’en mars 2025. Le choix de se concentrer sur les moins de 60 ans n’est pas anodin. En effet, dans cette tranche d’âge moins susceptible de développer une forme grave, démontrer l’innocuité à long terme est particulièrement crucial.
Sans surprise, le bénéfice le plus spectaculaire de la vaccination concerne les décès liés à une forme sévère de COVID-19 : une baisse de 74 % par rapport aux personnes non vaccinées. Mais cette protection massive contre les formes graves s’accompagne aussi d’un effet global sur la mortalité. Au total, on a recensé 0,4% de décès chez les vaccinées et 0,6% chez les non-vaccinés, soit une réduction de 25% du risque de mortalité toutes causes confondues. Même en retirant les décès directement imputables au SARS-CoV-2, la vaccination reste associée à une mortalité plus faible, quelle que soit la cause étudiée (cancers, maladies cardiovasculaires ou causes externes).
Les chercheurs se sont aussi penchés sur la période des six mois suivant la vaccination, souvent pointée du doigt par les plus méfiants. Là encore, les résultats se révèlent rassurants. Le risque de décès est réduit de 29 % par rapport aux non-vaccinés. Les effets sévères connus, comme les myocardites ou réactions allergiques, apparaissent trop rares pour influencer la mortalité globale.
Reste une difficulté méthodologique majeure : comparer deux populations qui ne sont pas identiques. En effet, les personnes vaccinées sont en moyenne plus âgées et davantage porteuses de maladies chroniques, ce qui devrait mécaniquement augmenter leur risque de décès. À l’inverse, les non-vaccinés appartiennent plus souvent à des catégories socio-économiques défavorisées, associées à une mortalité plus élevée. Pour éviter que ces différences ne biaisent les résultats, les équipes ont ajusté précisément les caractéristiques sociodémographiques et médicales des participants.
«La vaccination n’augmente pas la mortalité »
« Ce que montre avant tout cette étude, c’est que la vaccination n’augmente pas la mortalité », résume le Pr Zureik. Il évoque également un autre élément susceptible d’expliquer les résultats : le COVID long, qui touche environ 10 % des personnes infectées et peut entraîner des séquelles durables, respiratoires ou cardiovasculaires. En réduisant ces complications, la vaccination pourrait contribuer à expliquer une partie de la baisse de mortalité observée, « y compris pour des causes non directement liées au virus», ajoute-t-il.
Avec près de 28 millions de personnes suivies pendant presque quatre ans, cette étude constitue aujourd’hui la plus vaste enquête menée dans le monde sur l’innocuité à long terme des vaccins à ARNm. Et elle offre une réponse claire aux interrogations qui nourrissaient encore la défiance. « Nous espérons améliorer l’information du public. Mieux comprendre le profil de sécurité de ces vaccins permettra, je l’espère, de réduire l’hésitation vaccinale », conclut le Pr Zureik. À l’heure où la technologie ARN messager est appelée à se développer pour d’autres maladies? disposer de données solides, à court comme à long terme, devient plus essentiel que jamais.

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