M pour "Maréchal", D comme "Dieu", C comme "citoyen"... Quand les abécédaires font… de la politique

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Quoi de plus neutre, en apparence, que les lettres de l’alphabet ? Eh bien détrompez-vous, car le génie humain est tel qu’il a réussi à glisser de la propagande dans les abécédaires. C’est – entre mille autres choses, tant l’ouvrage est riche - ce que j’ai appris dans Ecrire le français (éditions Actes sud), publié par Gabriella Parussa, enseignante à La Sorbonne et spécialiste de l’histoire de notre langue.

Comme son nom l’indique, un abécédaire est un livret d’apprentissage des lettres, présentées dans l’ordre alphabétique. Aussi ces instruments ont-ils joué un rôle fondamental dans l’apprentissage de l’écrit. En témoigne le beau titre du livret composé par Jean de Gerson au début du XVe siècle : L’A.B.C des pauvres gens.

Le problème ? Pour des raisons pédagogiques, chacune est illustrée par un ou plusieurs mots commençant par ces lettres. Il faut donc sélectionner les heureux élus et c’est là que les préjugés du temps s’engouffrent.

Nul ne s’en étonnera : les abécédaires du Moyen Age et de la Renaissance privilégiaient les références religieuses : A comme ange, C comme Croix, D comme Dieu, M comme Marie…. L’orientation change du tout au tout avec la Révolution, qui entend diffuser les valeurs du nouveau régime. Dans l’Alphabet républicain de Jean‑Baptiste Chemin‑Dupontès, on trouve alors A comme "Assemblée nationale", C comme "Citoyen", É comme "Égalité", G comme "Guerrier", J comme "Jean-Jacques Rousseau".

Les années passent ; l’idéologie reste. Au début du XXe siècle, l’un de ces livrets utilise les lettres I et J pour expliquer aux enfants : "Les Indiens et les Japonais sont peu civilisés". Du racisme à l’état pur ! Sous Vichy, le bureau de documentation du chef de l’Etat imprime à son tour un abécédaire - illustré cela va de soi par des photos de Philippe Pétain - avec des exemples très moyennement subtils. D pour "Drapeau", K pour "Képi", H pour "Honneur", M pour "Maréchal", T pour "Travail", Z pour "Zèle"…

On ne saurait mieux dire…

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